miércoles, 26 de agosto de 2020

Paul Éluard - selección

Como una imagen: XIV: al asalto de los jardines

Al asalto de los jardines
las estaciones están a la vez en todos sitios
pasión del verano por el invierno
ternura del otoño y de la primavera
los recuerdos como plumas
el cielo roto por los árboles
un hermoso roble amasado de bruma
la vida de las plumas o la vida de las aves
y todo un veleidoso penacho
lleno de sonrientes temores
y la charlatana soledad

XIV: a l'assaut des jardins

A l'assaut des jardins
les saisons sont partout à la fois
passion de l'été pour l'hiver
et la tendresse des deux autres
les souvenirs comme des plumes
les arbres ont brisé le ciel
un beau chêne gâché de brume
la vie des oiseaux ou la vie des plumes
et tout un panache frivole
avec de souriantes craintes
et la solitude bavarde

El éxtasis

Estoy ante este paisaje femenino
como un niño ante el fuego
sonriendo vagamente con lágrimas en los ojos
ante este paisaje en que todo me emociona
donde espejos se empañan donde espejos se limpian
reflejando dos cuerpos desnudos estación a estación.

Tengo tantas razones para perderme
en esta tierra sin caminos bajo este cielo sin horizonte
hermosas razones que ayer ignoraba
y que ya nunca olvidaré
hermosas llaves de miradas claves hijas de sí mismas
ante este paisaje donde la naturaleza es mía.

Ante el fuego el primer fuego
buena razón maestra.

Estrella identificada
y en la tierra y bajo el cielo fuera de mi corazón y en él
segundo brote primera hoja verde
que el mar cubre con sus alas
y el sol al fondo de todo que viene de nosotros.

Estoy ante este paisaje femenino
como rama en el fuego.

L'extase

Je suis devant ce paysage féminin
comme un enfant devant le feu
souriant vaguement et les larmes aux yeux
devant ce paysage où tout remue en moi
où des miroirs s'embuent où des miroirs s'éclairent
reflétant deux corps nus saisons contre saisons.

j'ai tant de raison de me perdre
sur cette terre sans chemins et sous ce ciel sans horizon
belle raison que j'ignorais hier
et que je n'oublierai jamais
belles clés des regards clés filles d'elles-mêmes
devant ce paysage où la nature est mienne.

Devant le feu le premier feu
bonne raison maîtresse.

Etoile identifiée
et sur la terre et sous le ciel hors de mon coeur et dans mon coeur
second bourgeon première feuille verte
que la mer couvre de ses ailes
et le soleil au bout de tout venant de nous.

Je suis devant ce paysage féminin
comme une branche dans le feu.


A Marc Chagall

Asno o buey gallo o corcel
hasta la piel de un violín
hombre cantor un solo pájaro
bailarín ágil con su dama

pareja inmersa en primavera

hierba de oro cielo de plomo
llamas azules los separan
salud y rocío
zumba la sangre el corazón

una pareja luz primera

y en una caverna de nieve
la viña opulenta dibuja
labios de Tuna en una cara
que nunca durmió de noche.

A Marc Chagall

Ane ou vache coque ou cheval
jusqu'à la peau d'un violin
homme chanteur un seul oiseau
danseur agile avec sa femme

couple trempé dans son printemps

l'or de l'herbe le plomb du ciel
séparés par les flammes bleues
de la santé de la rosèe
le sang s'irise le coeur tinte

un couple le premier reflet

et dans un souterrain de neige
la vigne opulente dessine
un visage aux lèvres de lune
qui n'a jamais dormi la nuit.



Desde el fondo del abismo: III: no estaban locos los melancólicos

No estaban locos los melancólicos
estaban conquistados digeridos exclusos
por la masa opaca
de los monstruos prácticos

Tenían su edad de razón los melancólicos
la edad de la vida
no estaban allá en el principio
en la creación
ellos no creían
y no supieron desde el principio
conjugar la vida y el tiempo
el tiempo les parecía largo
la vida les parecía coma
y de las mantas manchadas por el invierno
sobre corazones sin cuerpo sin nombre
hacían un tapiz de asco helado
aún en pleno verano.

Du fond de l’abîme: III: il n'étaient pas fous les mélancoliques

Il n'étaient pas fous les mélancoliques
ils étaient conquis digérés exclus
par la masse opaque
des monstres pratiques

avaient leur âge de raison les mélancoliques
l'âge de la vie
ils n'étaient pas là au commencement
à la création
ils n'y croyaient pas
et n'ont pas su du premier coup
conjuguer la vie et le temps
le temps leur paraissait long
la vie leur paraissait courte
et des couvertures tachées par l'hiver
sur des coeurs sans corps sur des coeurs sans nom
faisaient un tapis de dégoût glacé
même en plein été.


Aquí

Una calle abandonada
calle profunda y desnuda
donde es fácil a los locos
más que a los cuerdos vivir
días sin pan ni carbón.

Todo es cuestión de medida
tantos cuerdos para un loco
más allá sólo la inmensa
mayoría del buen sentido
demasiado creído un día.

La calle como una herida
que no cerrará jamás
el domingo la ensancha
el cielo es de otro lugar
rey de un país extranjero.

Cielo rosa y feliz
todo belleza y salud
en la calle sin futuro
que me parte el corazón
que me priva de mi mismo.

Ici

Une rue abandonnée
une rue profonde et nue
où les fous ont moins de peine
que les sages à pourvoir
aux jours sans pain sans charbon.

C'est une question de taille
tant de sages pour un fou
mais rien par delà l'immense
majorité du bon sens
un jour cru sans proportions.

La rue comme une blessure
qui ne se fermera pas
le dimanche l'élargit
le ciel est un ciel d'ailleurs
roi d'un pays étranger.

Un ciel rose un ciel heureux
respirant beauté santé
sur la rue sans avenir
qui coupe mon coeur en deux
qui me prive de moi-même.


Todo está roto

Todo está roto por la palabra más débil
sombra de idea idea de la muerte feliz
el pan se cambia en migas y el fuego en agua tibia
y la sangre en sonrisa y el rayo en una lágrima
el plomo bajo el oro pesa en nuestras victorias
no hemos sembrado nada que no esté devastado
por el medido pico de las delicias intimas
las alas vuelven para hacer al pájaro.

Tout est brisé

Tout est brisé par la parole la plus faible
ombre d’idée idée de l’ombre mort heureuse
le feu devient eau tiède et le pain en miettes
le sang farde un sourire et la foudre une larme
le plomb caché par l’or pèse sur nos victoires
nous n’avons rien semé qui ne soit ravagé
par le bec minutieux des délices intimes
les ailes rentrent dans l’oiseau pour le fixer.

Nuestro movimiento

Vivimos olvidando nuestras metamorfosis
el día es perezoso pero la noche activa
el día un tazón de aire y la noche lo filtra
y lo usa y no deja polvo sobre nosotros

pero este eco que rueda a lo largo del día
eco fuera del tiempo de angustia o de caricias
seco encadenamiento de los mundos insípidos
y mundos sensibles cuyo sol es doble

estamos cerca o lejos de la conciencia nuestra
donde están nuestros límites y raíces y fin

pero el largo placer de las metamorfosis
esqueletos irguiéndose en los muros pudriéndose
las citas dadas a las formas insensatas
a la carne ingeniosa a los ciegos videntes

las citas dadas por el frente al perfil
por el sufrimiento a la salud por la luz
a la selva por la montaña al valle
por la mina a la flor y por la perla al sol

estamos cuerpo a cuerpo a ras de tierra estamos,
nacemos dondequiera no conocemos límites.

Notre mouvement

Nous vivons dans l'oubli de nos métamorphoses
le jour est paresseux mais la nuit est active
un bol d'air à midi la nuit le filtre et l'use
la nuit ne laisse pas de poussière sur nous

mais cet écho qui roule tout le long du jour
cet écho hors du temps d'angoisse ou de caresses
cet enchaînement brut des mondes insipides
et des mondes sensibles son soleil est double

sommes-nous près ou loin de notre conscience
où sont nos bornes nos racines notre but

le long plaisir pourtant de nos métamorphoses
squelettes s'animant dans les murs pourrissants
les rendez-vous donnés aux formes insensées
a la chair ingénieuse aux aveugles voyants.

Les rendez-vous donnés par la face au profil
par la souffrance à la santé par la lumière
a la forêt par la montagne à la vallée
par la mine à la fleur par la perle au soleil.

Nous sommes corps à corps nous sommes terre à terre,
nous naissons de partout nous sommes sans limites.


Negación de la poesía

Tú me diste las dudas los tormentos
que se encuentran en todo o en nada
habría podido no amarte
oh tú sólo gracia
como un durazno junto a otro durazno
tan fundentes como el verano.

Todas las albas todos los tormentos
de vivir todavía estando ausente
de escribir este poema

en lugar del poema vivo
que no escribiré
puesto que tú no estás.

Los más tenues dibujos del fuego
preparan el incendio final
las menores migas de pan
bastan a los moribundos.

Conocí la virtud viva
conocí el bien encarnado
rechazo tu muerte pero acepto la mía
tu sombra que se extiende sobre mí
quisiera hacer en ella un jardín.

Deshecho el arco,
pertenecemos a la misma noche
y quiero continuar tu inmovilidad
y el discurso inexistente
que comienza contigo que acabará en mí
conmigo voluntario obstinado rebelde
enamorado como tú
del atractivo de la tierra.

Négation de la poésie

J’ai pris de toi tout le souci tout le tourment
que l’on peut prendre à travers tout à travers rien
aurais-je pu ne pas t’aimer
o toi rien que la gentillesse
comme une pêche après une autre pêche
aussi fondantes que l’été.

Tout le souci tout le tourment
de vivre encore et d’être absent
d’écrire ce poème

au lieu du poème vivant
que je n’écrirai jamais
puisque tu n’es pas là.

Les plus tenus dessins du feu
préparent l’incendie ultime
les moindres miettes de pain
suffisent aux mourants.

J’ai connu la vertu vivante
j’ai connu le bien incarné
je refuse ta mort mais
j’accepte la mienne
ton ombre qui s’étend sur moi
je voudrais en faire un jardin.

L’arc débandé nous sommes de la même nuit
et je veux continuer ton immobilité
et le discours inexistant
qui commence avec toi qui finira en moi
qvec moi volontaire obstiné révolté
amoureux comme toi des charmes de la terre.


Retrato de Paul Éluard por Salvador Dalí (1929)

No hay comentarios:

Publicar un comentario